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Le jour du sabbat, demande de l’aide à ton voisin!

Texte

Ralf Kaminski

Paru

05.10.2022

Un homme et une femme debout devant une armoire à fusibles

Juive orthodoxe, Esther Paskesz n’a pas le droit d’actionner un interrupteur le samedi. C’est pourquoi ce jour-là, elle demande de l’aide à son voisin José Silveira.

Ils pourraient difficilement être plus différents, et pourtant, ils s’entendent à merveille. Esther Paskesz a 29 ans. Elle est juive orthodoxe et travaille dans une société d’investissement zurichoise. José Silveira a 47 ans. Il se dit catholique, dirige une entreprise de nettoyage et dépasse Mme Paskesz d’au moins deux têtes. Ils ont fait connaissance lorsque Mme Paskesz s’est installée dans le bâtiment avec sa famille, il y a trois ans.

«Dès le début, nous nous croisions régulièrement dans les escaliers», explique Mme Paskesz. «José est quelqu’un de très ouvert et de chaleureux; il aime beaucoup les enfants.» M. Silveira sourit. «Nos deux enfants à nous sont déjà grands et je suis nostalgique du temps où ils étaient petits.»

Au fond, c’est une relation de voisinage tout ce qu’il y a de plus banale: on se croise tous les jours ou presque devant le bâtiment ou sur le pas de la porte, on discute et on se rend parfois un petit coup de main, comme pour soulever la poussette, par exemple. Toutefois, à la différence d’autres familles, les Paskesz ne demandent pas à leurs voisins de les dépanner en denrées alimentaires. «Nous aimons partager notre nourriture» déclare Mme Paskesz, «mais nous ne pouvons emprunter des denrées alimentaires qu’auprès d’autres familles juives, car nous devons être sûrs que les produits sont casher.»

Le jour du shabbat, nous n’avons pas le droit d’utiliser des appareils électriques ou électroniques comme les téléphones portables, la cuisinière électrique, la voiture ou un interrupteur.

Esther Paskesz

Ce bâtiment situé à Zurich-Wiedikon, un quartier où se sont installées de nombreuses familles juives, compte surtout des jeunes. Les échanges sont riches et les relations de voisinage sont bonnes. Alors, le samedi, jour du sabbat, c’est bien pratique de pouvoir compter sur les familles non juives du quartier. «C’est notre jour de repos, un jour où l’on passe du temps en famille et où l’on se détend comme le faisaient les anciens», explique Mme Paskesz.

Les complications du sabbat

«Ce jour-là, nous n’avons pas le droit d’utiliser des appareils électriques ou électroniques comme les téléphones portables, la cuisinière électrique ou la voiture. Nous n’avons même pas le droit d’actionner un interrupteur.» Si la lumière est éteinte, elle le reste tout au long de la journée. Même chose si elle est allumée, à moins d’avoir installé une minuterie.

Et cela entraîne parfois quelques complications. «Dans ce cas, je vais sonner chez José ou chez un autre voisin et je lui dis que la lumière est éteinte chez nous. Je ne peux pas lui demander directement s’il peut venir l’allumer, mais il comprend tout de suite où je veux en venir.» Ainsi, Mme Paskesz n’enfreint pas les règles. Elle respecte également le code vestimentaire imposé par sa religion. Par exemple, elle ne porte que des jupes ou des robes, toujours accompagnées de collants.Elle porte aussi une perruque et fait toujours en sorte que ses genoux, ses coudes et ses clavicules soient couverts.

J’ai grandi ici, entouré de familles juives, je n’y vois donc rien d’original. De toutes manières, à Zurich, tout est multiculturel.

José Silveira

Esther Paskesz est née à Zurich, dans une famille juive orthodoxe, et elle n’a jamais quitté sa ville. Elle est mariée, a deux jeunes enfants, et elle aimerait en avoir encore quelques-uns. «Je suis l’aînée de douze enfants», explique-t-elle. José Silveira est né à Wiedikon, dans une famille d’origine espagnole. Il a vécu quelques temps en Espagne, mais cela fait quatre ans qu’il est de retour en Suisse, où il a repris l’entreprise de nettoyage de ses parents.

«J’ai grandi ici, entouré de familles juives, je n’y vois donc rien d’original. De toutes manières, à Zurich, tout est multiculturel», confie M. Silveira. «Esther est très ouverte. Nous parlons de tout: de politique, de religion... Nous pouvons même ironiser sur nos propres croyances.»

Esther acquiesce en souriant. «J’aime bien expliquer ce qui se cache derrière nos différentes fêtes, qui peuvent sembler un peu étranges». En contrepartie, José lui donne des conseils pour son prochain voyage en Espagne. Ils assurent ne s’être jamais disputés.

Un homme et une femme se tiennent dans un couloir en souriant

Esther Paskesz et José Silveira s’entendent parfaitement bien malgré leurs différences.

On aime parfois rester entre nous

Sur le plan professionnel aussi, il arrive à M. Silveira de travailler avec des personnes juives, lorsque son entreprise intervient sur des chantiers pour leur compte, par exemple. «Il y a parfois des personnes très religieuses, qui évitent tout contact visuel direct avec des femmes étrangères, mais nous nous adaptons.» Mme Paskesz acquiesce: «En effet, certains orthodoxes suivent encore plus de règles que nous, car ils ne veulent pas être détournés de leur dévotion envers Dieu.»

Elle confirme aussi que de nombreux orthodoxes préfèrent rester entre eux. «Les raisons sont historiques et sociales», déclare Mme Paskesz. Pendant des centaines d’années, les Juifs d’Europe ont été contraints de vivre entre eux, cantonnés dans des «ghettos» par les autorités.

«En outre, nous menons une vie différente, parfois compliquée. Nous devons suivre tous ces commandements au quotidien, et c’est plus facile quand nous sommes entre nous. C’est pour cette raison que nos enfants fréquentent des écoles privées juives et qu’ils ont principalement des amis juifs.»

Certains orthodoxes craignent que nous disparaissions entièrement peu à peu, si nous acceptons de mieux nous assimiler.

Esther Paskesz

S’y ajoute le fait que les Juifs ne sont pas nombreux, ils représentent env. 0,2 % de la population mondiale. «Et en tant qu’orthodoxes, nous craignons de disparaître entièrement peu à peu si nous acceptons de mieux nous assimiler à la société majoritaire, dont le style de vie beaucoup moins compliqué présente indéniablement un certain attrait.»

Il n’est cependant pas si inhabituel pour une famille comme la sienne de nouer des relations avec des voisins non juifs. «Mes parents et ma famille ont toujours été très ouverts, ils m’ont appris cela. Car nous souhaitons faire partie de la société.» Et quand elle travaillait encore à l’UBS, elle s’y sentait très bien et acceptée. «Mes besoins étaient respectés tout naturellement.»

L’antisémitisme existe parfois en Suisse, c’est pourquoi les Juifs sont souvent un peu prudents et réservés quant aux prises de position publiques. «Mais en général, nous nous sentons bien et en sécurité dans le pays.» De bonnes relations de voisinage telles que celles avec José Silveira y contribuent. Le téléphone de ce dernier sonne déjà pour la deuxième fois: il doit retourner au travail. Les deux prennent congé cordialement – leurs chemins se croiseront bientôt à nouveau dans la cage d’escalier.

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Photos: Désirée Good

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